Film:Été 85 : Différence entre versions

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François Ozon ne tombe dans ces clichés qu'en apparence. Même s'il met un peu de sa propre nostalgie dans cette narration — homosexuel, il avait dix-sept ans l'été 85 —, il l'utilise surtout pour dépeindre notre propre société de 2020 où l'on accepte sans doute un peu mieux l'homosexualité mais où l'on ne porte pas secours aux personnes en difficulté, surtout si on les estime responsables de ce qui leur arrive : celui qui manque se faire écraser par une voiture n'avait qu'à pas boire, comme celui qui n'a pas de travail n'avait qu'à traverser la rue pour en trouver). Dans cette société, on ne choisit pas ce qu'on aime (la littérature par exemple) mais on cherche à trouver sa place dans un système qui, corollairement, ne doit pas changer.  
 
François Ozon ne tombe dans ces clichés qu'en apparence. Même s'il met un peu de sa propre nostalgie dans cette narration — homosexuel, il avait dix-sept ans l'été 85 —, il l'utilise surtout pour dépeindre notre propre société de 2020 où l'on accepte sans doute un peu mieux l'homosexualité mais où l'on ne porte pas secours aux personnes en difficulté, surtout si on les estime responsables de ce qui leur arrive : celui qui manque se faire écraser par une voiture n'avait qu'à pas boire, comme celui qui n'a pas de travail n'avait qu'à traverser la rue pour en trouver). Dans cette société, on ne choisit pas ce qu'on aime (la littérature par exemple) mais on cherche à trouver sa place dans un système qui, corollairement, ne doit pas changer.  
  
Le réalisateur pose aussi des questions intemporelles : comment deux personnes peuvent-elles vivre une expérience en commun quand aucune des deux n'est pour l'autre le sujet approprié ? La réponse vient d'un personnage qui pourtant sonne faux, une Anglaise parlant très bien le français en forçant ostensiblement un accent anglais : on invente l'autre. L'Anglaise en question invente l'histoire romantique qu'elle voudrait vivre avec l'un des garçons dans une relation sexuelle avec l'autre. Le plus jeune projette dans le plus âgé le grand amour dont il rêve tandis que le plus vieux se fabrique dans la chair de l'autre un complice avec qui il va vivre de multiples aventures.
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Le réalisateur pose aussi des questions intemporelles : comment deux personnes peuvent-elles vivre une expérience en commun quand aucune des deux n'est pour l'autre le sujet approprié ? La réponse vient d'un personnage qui pourtant sonne faux, une Anglaise parlant très bien le français en forçant ostensiblement un accent anglais : on invente l'autre. L'Anglaise en question invente l'histoire romantique qu'elle voudrait vivre avec l'un des garçons à travers une relation sexuelle avec l'autre. Le plus jeune projette dans le plus âgé le grand amour dont il rêve tandis que le plus vieux se fabrique dans la chair de l'autre un complice avec qui il va vivre de multiples aventures.
  
 
Ozon fabrique des personnages qui fabriquent des personnages.
 
Ozon fabrique des personnages qui fabriquent des personnages.

Version du 15 juillet 2020 à 18:41

François Ozon : Été 85 (2020)

D'après Aidan Chambers : Danse du coucou (Seuil [Points Virgule], 1983)

Résumé

« L'été de ses 16 ans, Alexis, lors d'une sortie en mer sur la côte normande, est sauvé héroïquement du naufrage par David, 18 ans. Alexis vient de rencontrer l'ami de ses rêves. Mais le rêve durera-t-il plus qu'un été ? L'été 85... »

Une présentation du film qui nous laisse deviner le premier amour d'un adolescent, la découverte de son orientation homosexuelle — et en 1985, les pères n'aiment pas trop que leur fils soit pédé ; d'ailleurs, on ne doit pas parler de l'oncle Jackie dont on devine qu'il avait sans doute un penchant de cet ordre. Du déjà-vu à quoi on peut ajouter la jalousie destructrice dudit premier amour, la versatilité des sentiments qui s'orientent vite sur d'autres personnes, y compris d'un autre sexe.

François Ozon ne tombe dans ces clichés qu'en apparence. Même s'il met un peu de sa propre nostalgie dans cette narration — homosexuel, il avait dix-sept ans l'été 85 —, il l'utilise surtout pour dépeindre notre propre société de 2020 où l'on accepte sans doute un peu mieux l'homosexualité mais où l'on ne porte pas secours aux personnes en difficulté, surtout si on les estime responsables de ce qui leur arrive : celui qui manque se faire écraser par une voiture n'avait qu'à pas boire, comme celui qui n'a pas de travail n'avait qu'à traverser la rue pour en trouver). Dans cette société, on ne choisit pas ce qu'on aime (la littérature par exemple) mais on cherche à trouver sa place dans un système qui, corollairement, ne doit pas changer.

Le réalisateur pose aussi des questions intemporelles : comment deux personnes peuvent-elles vivre une expérience en commun quand aucune des deux n'est pour l'autre le sujet approprié ? La réponse vient d'un personnage qui pourtant sonne faux, une Anglaise parlant très bien le français en forçant ostensiblement un accent anglais : on invente l'autre. L'Anglaise en question invente l'histoire romantique qu'elle voudrait vivre avec l'un des garçons à travers une relation sexuelle avec l'autre. Le plus jeune projette dans le plus âgé le grand amour dont il rêve tandis que le plus vieux se fabrique dans la chair de l'autre un complice avec qui il va vivre de multiples aventures.

Ozon fabrique des personnages qui fabriquent des personnages.

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