RM19 talk:C08F6 : Boulangère dans le pétrin

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Suzy le 25 septembre 2025

Gaëlle | Narrateur : reporter présentant la violence des meutes. Suivant suggestion de Suzy, ce pourrait être un film d’actualité. On apprendra plus tard que c’est un fake : en fait, Émilie a été enlevée puis on a diffusé ce film pour démontrer l’horreur de la violence populaire. Une fois par mois, la chaine de télévision Muret au cœur programme un film suivi d’un débat sur un sujet d’actualité.

Bonsoir , je m’appelle Bernard Duran et je vous propose ce soir de regarder un film qui sera suivi d’u débat. Plusieurs incidents violents ont fait l’objet d’articles de journaux alimentant l’inquiétude .Le thème du débat de ce soir : «  qu’est ce qui peut transformer un groupe d’individus paisibles en meute hystérique assoiffée de vengeance » sera introduit par le film : Meurtre dans un pétrin »

À proximité de la Tour, il y a une friche industrielle, à ciel ouvert, telle un immense cargo à quai dans une zone portuaire. Quand le jour se lève, on voit peu à peu les ombres des ouvriers arriver, ceux qui sont là pour le premier quart, comme s’ils œuvraient sur le pont du navire. Les cuves se remplissent, les hauts-fourneaux tournent à plein régime, il fait très chaud. Ils s'activent à leur poste avec des masques de soudeur, dans des gerbes d'étincelles, reproduisant les gestes d'un autre siècle et de la révolution industrielle. Un contremaître circule entre les hommes, casque sur la tête et bottes aux pieds. Il enjambe les tuyaux, les câbles électriques, monte un escalier raide, emprunte une passerelle métallique, redescend un autre escalier et rejoint un bureau, où il prend un appel téléphonique. Il va falloir nettoyer le site dans la journée. De l’eau coule le long des murs, alimente les herbes folles et le lierre qui ont envahi l’espace, redonnant ses droits à la nature. Mais le pire, ce sont les rats qui courent partout. Des consignes sont données dans la matinée et la chasse aux nuisibles est terminée avec succès vers midi. À la pause déjeuner, les machines-outils sont à l'arrêt, leurs rouages immobiles, comme rouillés, le feu est éteint et le métal en fusion n’est plus qu’un souvenir. Les ouvriers ont sorti le casse-croûte de leur sac. Les sandwichs sont faits par la boulangerie du quartier et sont variés, avec des produits frais, du jambon, de l’emmenthal, des cornichons et du saucisson. On mange avec plaisir, accompagnant le repas d’un verre de vin rouge. Les soudeurs se connaissent bien et les discussions vont bon train. L’un d’entre eux rapporte aux autres un incident qui est arrivé au voisin de la cousine de quelqu’un qu’il connait un peu. Au cours d’un repas de famille, cet homme, qui habite à côté de l’usine, a failli s’étouffer avec une touffe de cheveux noirs retrouvés dans le pain de la boulangère. In extremis, il a pu libérer sa trachée et retrouver sa respiration, sous les yeux horrifiés de sa femme et de ses enfants. Les ouvriers commentent les faits avec indignation, l’appétit coupé. Il n’est pas possible de laisser faire une chose pareille ! Cet homme aurait pu trouver la mort, et qui sait si cela ne pourrait pas leur arriver, à eux aussi ! Il suffirait de mordre dans un sandwich préparé à la boulangerie du coin pour y laisser la peau. Si la boulangère laisse tomber ses cheveux dans le pétrin, c’est qu’elle ne porte pas le filet obligatoire pour les retenir. Il y a quand même des règles sanitaires à respecter ! La boulangère ne doit plus être autorisée à produire le pain pour le quartier. Et si les autorités ne s’en occupent pas rapidement, afin de s’assurer que le commerce est bien fermé, ils le feront eux-mêmes. Chacun y va de son mécontentement, l’insulte à la bouche. Le ton monte, les voix portent au loin, les mains s’agitent et les yeux deviennent fixes. On se croirait en pleine montagne, par une nuit d’hiver. Sous une lune ronde et brillante, dans un ciel dégagé piqueté d’étoiles, une meute de loups est regroupée. Depuis la plate-forme rocheuse où ils se tiennent, ils hurlent à tour de rôle à la lune. Ils ont faim et la chasse peut commencer. Sans se concerter, les ouvriers se lèvent comme un seul homme et se dirigent vers la boulangerie. À l’intérieur du magasin, la boulangère, est en train de nettoyer le comptoir et de mettre au frais les sandwichs et les desserts du jour. Elle va fermer. Tout à coup, elle entend du bruit dans la rue, comme cela se produit les jours de manifestation. Inquiète, elle sort sur le trottoir et voit une foule qui grossit, qui se rapproche, avec des cris et des poings levés. Elle n’a aucune idée de ce qui se passe. On l’interpelle. « Eh ! Toi, la boulangère. On a quelque chose à te dire. » Les insultes fusent, on la traite d’abord d’inconsciente, puis de garce, et enfin de criminelle, qui donne ses cheveux à bouffer aux honnêtes gens. On a retrouvé des touffes entières dans son pain. Un bon père de famille a failli mourir par sa faute. elle essaie de se retrancher dans le magasin, mais c’est trop tard. Elle est bousculée et poussée sans ménagement dans la boulangerie. Sa tête heurte la vitrine des sandwichs à emporter, qui se fend sur toute sa longueur. Du sang coule de son cuir chevelu. Dans ce qui suit, je trouve curieux que la boulangère puisse envisager qu’il y avait vraiment une touffe de cheveux dans le pain qui sort de chez elle. J’apporte quelques précisions dans ce sens. Acculée, elle essaie de se défendre, la voix tremblante. Quand elle travaille au pétrin, elle attache ses cheveux et met une charlotte sur la tête. Il est impossible que des cheveux aient été retrouvés dans  son pain , elle est la seule à le fabriquer. Elle ne peut pas leur dire que plus jeune, elle était fière de ses cheveux longs d'un noir de corbeau. Sa mère les lui brossait chaque matin, quand elle était petite. La brosse lissait sa chevelure des racines aux pointes et ils se mettaient à briller, amenant sur le visage maternel un sourire de fierté. Jusqu'à ses vingt-cinq ans, elle les avait jusqu'à la taille et le soir, elle les lâchait et ils cascadaient sur ses omoplates, attirant les regards des hommes. Non, elle ne peut pas partager cela avec la foule qui se presse dans son magasin, cette meute hystérique qui la menace. Alors, elle dit tout simplement qu’elle les porte courts depuis des années, pour des raisons d’hygiène. . Elle n’a aucune idée de ce  qu’il se passe, elle est innocente . Elle n'a jamais voulu la mort de personne. À ces mots, la foule rugit. Aux ouvriers se sont joints les habitants du quartier, qui ont entendu la rumeur et sont sortis se faire justice eux-mêmes. Il faut bien qu’il y ait un coupable. Ces cheveux ne sont pas tombés tous seuls dans le pétrin. La boulangère ment, c’est certain. Même les femmes qui se servent chez elle d’habitude en sont persuadées. Elles crient leur dégoût et leur haine, sans même voir les larmes et le sang couler sur le visage de la boulangère. Ce sont les hommes qui ont raison, on ne peut pas laisser la boulangère les mettre en danger. Ils vont faire la loi et décider de la vie ou de la mort de cette femme. La malheureuse est traînée au fond de la boulangerie, malgré ses hurlements. « Lâchez-moi. Vous vous trompez. Ce n’est pas moi. — Tais-toi, la boulangère. On ne veut pas de tes mensonges. » La date n’a pas été précisée. Si c’est le 14 juillet, il faut revoir l’heure en tenant compte des autres événements. Elle est jetée tête la première dans le pétrin. Dans la cuve métallique, où la spirale brasse inlassablement la pâte à pain pour la fournée de quinze heures, le sang gicle partout. La nuque de la boulangère est broyée. La pièce se bloque ensuite dans un bruit strident, après avoir projeté sur la meute des morceaux d’os et de cervelle. Par bonheur, pourrait-on dire, Émilie est déjà morte. L’asphyxie s’est produite très rapidement, quand la pâte s’est insinuée dans sa bouche et ses narines.

Silence dans le studio  puis Bernard Duran présente ses invité : un commissaire de police, un psychologue une journaliste.